ثقافة Siqal de Mouha Harmel: Raviver la flamme du conte. Par Tarek Ben Chaabane
Par Tarek Ben Chaabane
C’est à une replongée au cœur des contes que nous invite Mouha Harmel avec son cinquième ouvrage « Siqal l’antre de l’ogresse ». C’est aussi son troisième roman après « Sculpteur de masques » et « Les rêves perdus de Leila ». Architecte de formation, Harmel termine actuellement une thèse en philosophie. Mais il semble que sa passion essentielle reste l’écriture indifféremment du genre.
On lui doit un recueil de nouvelles « Le fantôme de Kobet El Houa » et un essai sur le romancier japonais Haruki Murakami où il s’interroge sur l’expérience de la littérature comme approche des limites auxquelles se confronte la conscience entre l’aberration, la rupture et la régénérescence.
Certaines thématiques abordées dans cet essai trouvent un écho dans Siqal, notamment le chapitre consacré à Lovecraft et à l’interpénétration entre le réel et le rêve comme point d’accès à une cosmogonie fulgurante mais saisissable à la seule condition de reconquérir les territoires oniriques de l’enfance.
Dans « Siqal », Harmel renoue, en partie du moins, avec un univers où le merveilleux se mêle au fantastique mais le tout engage une réflexion qui se place sur une portée qui a pour projet de débusquer la transgression de la limite dans des contes populaires neutralisés par le folklorisme.
Parcours initiatique, comme l’était « Sculpteur de masque » ponctué lui de références aux passes magiques amérindiennes, la trame de « Siqal », par ses récits enchâssés, double la quête d’une enquête empreinte d’éléments puisés dans le foisonnant imaginaire démonologique oriental.
Abandonnant le protagoniste unique, Harmel s’appuie sur une pluralité de points de vue avec de multiples personnages tous aussi décisifs pour le déploiement du récit : les filles de Si Ali et le sloughi sorte d’animal totem protecteur du clan, le duo qui gère la zaouia et l’ogresse démoniaque antagoniste qui porte l’ambiguïté des figures du mal et charrie la problématique centrale de ce conte. Et de toute œuvre fictionnelle. Et de tout parcours rédempteur.
Inspiré de deux contes tunisiens traditionnels, « Siqal » est travaillé par un projet d’écriture qui s’articule à une réflexion anthropologique sur les fonctions du conte passées et actuelles et réhabilite les lignes de fuite où des générations de femmes conteuses en se réappropriant de l’acte souverain de la parole ont insufflé du désordre dans un genre codifié et oblitéré par le système patriarcal et misogyne.
Siqal, l’antre de l’ogresse, Déméter, mars 2023.